Elle hurlait. Et moi, je pleurais dans la rue.
Je me suis arrêtée de travailler pendant huit ans pour m’occuper de nos trois enfants. C’était un choix de cœur. Être là, pleinement présente, chaque jour, chaque instant. Mais quand notre aînée, a eu huit mois, j’ai ressenti ce besoin — pour elle comme pour moi — de prendre un peu de distance. Quelques heures, juste deux après-midis par semaine en halte-garderie.
Elle était une petite fille très fusionnelle. Elle s’endormait sur nos genoux pendant les dîners entre amis, il fallait parfois rester une heure dans sa chambre pour l’endormir. Et si on tentait de partir trop tôt, elle hurlait. Littéralement.
Alors le jour où je l’ai laissée à la halte pour la première fois… elle a crié, tendu les bras, sangloté. Et moi, je suis ressortie, incapable de retenir mes larmes. Mon cœur battait à cent à l’heure. J’avais cette sensation insupportable de la trahir. Et ça, pendant des semaines.
Je crois que notre erreur, si erreur il y a eu, c’était peut-être ce rythme trop léger. Deux après-midis, ce n’était pas suffisant pour qu’elle s’adapte, ni pour qu’une vraie routine rassurante s’installe.
L’année suivante, on est passés à deux journées complètes par semaine. Mais le chemin restait difficile. Et puis… notre deuxième enfant est arrivé, avec seulement 22 mois d’écart.
Et c’est reparti. Même attachement fort, mêmes hurlements au moment de la séparation. Chaque fois que je le déposais, il pleurait. Jusqu’à ses trois ans. Lui non plus ne s’est pas vraiment habitué.
Heureusement, la dernière de la fratrie a été différente. Un petit miracle. Pas de cris. Pas de larmes. Juste une séparation douce, presque apaisée. Peut-être que nous avions changé, nous aussi. Moins d’angoisse. Plus de confiance.
Aujourd’hui encore, je suis convaincue que l’angoisse de séparation ne vient pas que de l’enfant. Elle est aussi dans le cœur du parent. Dans ce lien, ce besoin de protéger, dans ce sentiment de culpabilité qu’on traîne en silence.
Mais cette étape nous apprend à grandir ensemble. À faire confiance. À se détacher un peu, tout en restant profondément liés. Parce qu’on finit toujours par se retrouver.
L’angoisse de séparation : comment accompagner son enfant avec bienveillance
À quel âge apparaît-elle ?
L’angoisse de séparation survient en général entre 8 et 12 mois, parfois un peu plus tard, et peut durer jusqu’à 18 voire 24 mois. Elle coïncide avec une étape clé du développement : la conscience que “maman et moi” ne font pas qu’un.
Selon la théorie de la permanence de l’objet (Jean Piaget), un bébé qui ne voit pas sa figure d’attachement pense qu’elle a disparu. C’est cette absence — même temporaire — qui provoque l’angoisse.
Les signes d’une angoisse de séparation
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Pleurs au moment du départ
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Refus d’aller vers d’autres adultes
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Crises ou agitation à l’endormissement
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Réveils nocturnes fréquents
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Bébé qui s’agrippe au parent
Ces comportements ne sont ni caprices, ni anomalies. Ils sont le signe d’un attachement sain et du besoin d’être rassuré.
Conseils pour une séparation plus douce
🌱 Accepter que cette étape soit normale… mais difficile
Oui, c’est une phase normale du développement.
Non, ce n’est pas toujours facile à vivre.
Et pleurer en laissant son enfant à la crèche ne fait pas de vous un parent faible. Cela fait de vous un parent profondément connecté.
🧸 Créer des repères avant la séparation
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Expliquez à votre enfant ce qui va se passer, même s’il est petit.
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Visitez les lieux ensemble, laissez-le explorer.
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Présentez-lui les personnes qui vont s’occuper de lui avec confiance.
📅 Instaurer une régularité rassurante
Des séparations trop ponctuelles (comme deux après-midis par semaine) peuvent rendre l’adaptation plus difficile. Si possible, privilégiez deux journées complètes par semaine, pour installer une vraie routine.
🐻 Créer un rituel de séparation
Une chanson, un bisou dans le cou, un mot doux chuchoté chaque jour… Les rituels récurrents apaisent et structurent l’enfant.
💬 Dire au revoir, toujours
Ne partez jamais en cachette. Même si bébé pleure, un vrai “au revoir” donne du sens à ce qu’il vit. Dites-lui que vous reviendrez. Et tenez parole.
🎒 Glisser un objet transitionnel
Un doudou, une écharpe qui porte votre odeur, une photo… Ces objets sont des liens symboliques très puissants.
💞 Faire confiance… et se faire confiance
L’équipe de crèche ou l’assistante maternelle est là pour vous épauler. N’hésitez pas à leur parler, à demander des nouvelles, à créer un dialogue bienveillant.
Et surtout : faites-vous confiance. Chaque séparation difficile est aussi un pas vers l’autonomie.
En résumé
L’angoisse de séparation fait partie des grandes étapes du lien parent-enfant. Elle remue, elle bouscule. Mais elle peut être adoucie grâce à la parole, aux gestes tendres, aux routines stables, et à beaucoup de patience.
Vous n’êtes pas seuls. Et votre enfant finira par vous faire un petit signe de la main… et vous, le cœur serré, vous sourirez fièrement.
Sources et ressources utiles
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Jean Piaget, La psychologie de l’enfant, PUF, 1966
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Haute Autorité de Santé (HAS), Développement psychomoteur de l’enfant, 2011
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Catherine Gueguen, Pour une enfance heureuse, Éditions Pocket
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William Sears, The Baby Book, Little, Brown and Company, 2003
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Mary Ainsworth, Attachment Theory, 1978